Le dimanche 8 septembre à 7h30 je fis un malaise cardiaque. Je demandai à Marie-Lou, ma belle-sœur, d’appeler le Samu, sans réponse elle me conduisit aux Urgences de l’hôpital de Draguignan à la vitesse d’un TGV, plein-phare, feux de détresse allumés et grillant un feu tricolore. Pris en charge dès mon arrivée perfusé et sous oxygène je passai un scanner puis le diagnostic tomba : J’avais fait un infarctus du myocarde et j’étais en insuffisance cardiaque. Le médecin urgentiste décida de me transférer en ambulance médicalisée à l’hôpital de Fréjus où j’arrivai vers 11h30. J’eus la chance que le cardiologue de garde fût celui qui m’avait fait une coronarographie en 2012. En salle d’opération avant de sombrer dans l’inconscience je l’entendis me dire : "N’ayez aucune crainte je connais votre dossier, tout se passera bien.".
J’appris plus tard qu’il avait pratiqué une coronarographie et une angioplastie pour déboucher une artère et pour poser un stent actif. A mon réveil dans la chambre du service des soins intensifs je découvris mon frère et ma belle-sœur au pied du lit. Après les paroles de réconfort mon frère me fit remarquer que la destruction de mon camion au Mexique fut un évènement heureux. J’étais en France et non dans un pays perdu en Amérique Central. Je restai en soins intensifs jusqu’au 17 septembre pour être transféré au Centre de cardiologie de La Chenevière à Callian. Pendant mon séjour à l’hôpital de Fréjus je fus dans un état végétatif, un légume, incapable de prendre conscience de ce qui m’arrivait. A La Chenevière je gardai la chambre pendant deux jours, trop faible pour me rendre à la salle de restaurant. Puis sous contrôle des cardiologues je commençai ma réadaptation cardiaque. Je dois dire que l’équipe médicale est en tous points remarquables.
"...Le propre de l’homme est de vivre et non d‘exister..." On the road de Jack Kerouac.
Je passais dans l’arrière-pays varois un séjour agréable propice à la réflexion pour envisager la suite des évènements. Mon accident cardiaque avait provoqué un changement fondamental dans ma vie : J’avais un passé de voyageur autour du monde depuis ma mise à la retraite en 2005, maintenant j’ai un présent de handicapé par insuffisance cardiaque et je devais me reconstruire un futur. La conséquence la plus contraignante était que je ne pourrais vraisemblablement plus monter à plus de 2.000 mètres d’altitude à pied ou en véhicule. Je ne retournerai pas au Mexique et je n’irai pas en Amérique-Centrale ou dans les pays andins d’Amérique du sud avant plusieurs mois voire jamais. Peut-être que je ne reverrai pas le Machu Picchu et que je ne verrai pas le Salar de Uyuni en Bolivie.
"…Faire des voyages me semble un exercice profitable. L’esprit y a une activité continuelle pour remarquer les choses inconnues et nouvelles, et je ne connais pas de meilleure école pour former la vie que de mettre sans cesse devant nos yeux la diversité de tant d’autres vies, opinions et usages…" Journal de voyage de Michel de Montaigne qui fut le premier écrivain-voyageur en langue française.
Je ne pouvais pas ne pas continuer à voyager, mais je devais le faire autrement. Très rapidement sous l’impulsion des cardiologues et de mon frère auxquels je rappelais à satiété que je voulais repartir en voyage autour du monde. Je décidai de le poursuivre non pas en continu mais en fractionné avec des retours en France pour faire des soins. Mon nouveau camion avait été mis en stand-by pendant mon absence obligée. Sa fabrication commença le 21 octobre pour une livraison à partir du 2 décembre. De plus je recherchai une petite villa de plain-pied à acheter à Draguignan ou dans les environs pour être proche de mon frère et ma belle-sœur. Ce sera ma nouvelle base arrière. L’année 2014 se passera en France et en Europe pour laisser le temps à la nécrose cardiaque de se régénérer, si possible. La surface occupée par la nécrose résiduelle déterminera mon aptitude à voyager et à aller en altitude. Je mettrai ce temps à profit pour tester mon nouveau destrier, à faible altitude.